Il y a 80 ans, l’action déterminante du Nordiste Fernand Grenier (PCF) pour le droit de vote des femmes

Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes

article 17 du titre IV

ARTICLE POUR L'INSTITUT D'HISTOIRE SOCIALE CGT Fapt
Bernard Dupin
 
 
A l'occasion de l'anniversaire des 80 ans du droit de vote des femmes, il est toujours bon de préciser que cette avancée majeure n’est pas sortie obligatoirement que du seul képi du général de Gaulle.
 
Il y a 80 ans jour pour jour, le 21 avril 1944, le général de Gaulle signait l’ordonnance accordant le droit de vote aux femmes. Un texte adopté un mois plus tôt par l’Assemblée constituante provisoire installée à Alger et qui doit beaucoup au Tourquennois Fernand Grenier…
 
 
C'est en effet un communiste, Fernand Grenier qui déposera et défendra avec ténacité l'amendement sur le droit de vote et d’éligibilité des femmes au travers de l’article 17 de l’ordonnance du 21 avril 1944 signée par De Gaulle. 
 
Un texte sans ambiguïté adopté par 51 voix sur 67 votants, mais qui suscita de nombreux débats : « Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».
 
Ce résultat est intimement lié à l'histoire de notre République qui aura vu la place des femmes dans la société toujours associée à une histoire de conquêtes pour faire en sorte que la promesse révolutionnaire « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits » se traduise par du concret.
 
C’est dans le champ du travail qu’interviennent par exemple de premières conquêtes quand en 1907, les femmes obtiennent le droit de vote aux conseils des prud’hommes soit près de 40 ans avant même leur citoyenneté politique et il aura fallu attendre 1908, pour qu'elles y soient également éligibles.
 
Ces avancées majeures, ne suivent jamais un long fleuve tranquille. Elles sont dues pour l'essentiel à l’action syndicale qui participe à la transformation de la société et à l'action des communistes qui de tous temps ont porté le progrès et l'émancipation.
 
En janvier 1943 par exemple, lorsque se constitue l’Assemblée Consultative provisoire, « les débats sur l’organisation des pouvoirs publics ne prévoyaient pas le vote des femmes », relate Fernand Grenier dans un article de l’Humanité du18/04/1991.
 
En 1943, au nom du parti communiste il rejoint à Londres le Général de Gaulle. « C’est ainsi que je fus amené à poser la question du vote des femmes pour la première fois quand le Général de Gaulle me proposa de faire partie d’une commission de réforme de l’État. Je pensais qu’il serait injuste de continuer à considérer les femmes comme incapables de se servir du bulletin de vote ».
 
Il insista alors pour que l’Assemblée Consultative reconnaisse donc le droit de vote et d’éligibilité des femmes « afin que nous lui manifestions notre volonté de ne plus la traiter en mineure, en inférieure » déclara t-il.
 
Cette volonté devait alors affronter de nombreuses réticences et oppositions de certains membres de l'Assemblée Consultative provisoire.
Le sénateur Paul Giacobbi déclarait : « Pensez-vous qu’il soit très sage dans une période aussi troublée que celle que nous allons traverser que de nous lancer ex abrupto dans cette aventure que constitue le suffrage des femmes ? » 
ou encore cette intervention de Bissagnet : « L’amendement Grenier amènera un déséquilibre très net, car il y aura deux fois plus de femmes que d’hommes qui prendront part au vote. Aurons-nous donc une image vraie de l’idée du pays ? En raison de ce déséquilibre, je préfère que le suffrage des femmes soit ajourné et c’est pourquoi je voterai contre l’amendement ».
 
D'autres arguments plus fallacieux interrogeaient sur les capacités intellectuelles des femmes qui pouvaient être incompatibles avec une opinion politique éclairée avec la peur que l’accès au pouvoir pouvait leur faire prendre la place des hommes.
 
Heureusement, le courage et la détermination d’autres délégués permirent de soutenir le texte de Fernand Grenier et de contrebalancer ces discours.
 
Robert Prigent, syndicaliste et membre du parti démocrate populaire déclarait par exemple : « Quand il s’agit de jeter les femmes dans le creuset de la guerre, est-ce que nous attendons ? Exigerons nous toujours de nos compagnes l’égalité devant l’effort de la peine, devant le sacrifice et le courage, jusque devant la mort sur le champ de bataille et mettrons des réticences au moment d’affirmer cette égalité ».
 
Le 21 avril 1944, le Gouvernement Provisoire finit par publier l'ordonnance « sur l’organisation des pouvoirs publics en France après la Libération ». L’article 17 du titre IV est bref : «Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Ces lignes du Journal Officiel terminent alors un feuilleton parlementaire de 40 ans. Elles mettent fin par la même occasion à un retour possible de la IIIe République par la future Assemblée Consultative Provisoire.
 
En application de cette ordonnance, les femmes votent donc pour la première fois aux municipales des 29 avril et 13 mai 1945. Le taux de participation est important ce qui vient contredire les arguments de ceux qui avançaient qu'elles étaient indifférentes aux préoccupations politiques.
 
Les femmes votent pour la première fois lors du premier tour des élections municipales le 29 avril 1945. ©AFP

 

 
Quelques mois plus tard, en octobre 1945, 33 femmes sont élues à la première Assemblée constituante.
 
Avec 26,23 % et 150 députés, le PCF est en tête, suivi du MRP (23,9 %, 151 sièges), de la SFIO (23,4 %, 146) de la droite (15,6 %, 64) et des radicaux-socialistes (1O,5 %, 60).
 
« Victoire de la France démocratique et laïque, considérables succès communistes », pavoise alors le journal l’Humanité.
 
VIGILANCE SUR LE TRAVAIL DE MÉMOIRE.
 
Il existe des axiomes tenaces du style : 
« De Gaulle a donné le droit de vote aux femmes ».
 
Cette écriture simpliste de l'Histoire est multipliée à l'envie dans les expositions officielles en cette période qui nous rappelle qu'il y a 80 ans, notre République s'est dotée de cette avancée historique.
 
- C'était le cas dernièrement dans la pré-exposition à la Bibliothèque nationale de France qui occultait totalement le rôle pourtant essentiel joué par le député communiste Fernand Grenier, auteur de l'amendement ayant permis que ce droit figure dans l'ordonnance du 21 avril 1944.
 
Il aura fallu échanger avec les responsables de cette initiative et rédiger des commentaires dans le recueil mis à disposition pour que l'exposition définitive de la BNF précise bien que Fernand Grenier était à l'origine du droit de vote des femmes.
 
- Dans une autre exposition présentée aux Archives départementales de l'Hérault, la même censure par omission pouvait être constatée, mais là, pas moyen de faire rectifier les choses.
 
Seul un courrier adressé à Monsieur Bruno Ricard, Directeur des Archives et Mathilde Guerin, Commissaire scientifique, s'étonnait de ce manque et précisait que « l'homme que vous avez gommé de votre exposition, restera lui, malgré tout dans l'Histoire ».
 
FERNAND GRENIER ET L'IMAGE DU PÈRE.
 
Fernand Grenier restera profondément marqué par la figure du père. « Mon père arrivé illettré de sa Wallonie, va apprendre à lire et écrire par les cours du soir », raconte Fernand Grenier dans "Ce Bonheur là". Un père livreur, militant socialiste, organisateur du syndicat des transports de Tourcoing. En raison de son action syndicale, il sera licencié plusieurs fois. Ce père qui va disparaître en 1917. Arrêté par les allemands, il décédera dans une compagnie disciplinaire des travailleurs. « 
C’est une épreuve qui devait marquer ma jeunesse, j’avais 16 ans et j’étais fier de mon père. À chaque événement marquant de ma propre vie de militant, le souvenir de celui-ci s’imposera », écrivit Fernand Grenier.
 
Bernard Dupin
 
ET UN PETIT RAPPEL HISTORIQUE 
 

 

... et aussi :
 

 

 
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Thème Magazine -  Hébergé par Overblog