8 FÉVRIER 1962: CHARONNE, UN CRIME D'ETAT.

 
Le 8 février 1962, une manifestation pour la paix en Algérie et contre les crimes de l’OAS, se termine par un massacre commis par les unités spéciales de la police sous l’autorité du préfet Maurice Papon, faisant neuf morts et des centaines de blessé-e-s.
 
Le contexte
 
 Les ultras de l’Algérie française, qui avait porté de Gaulle au pouvoir en 1958, n’ont pas accepté la déclaration de ce dernier en 1959 du « droit à l’autodétermination du peuple algérien ».

À deux reprises, en 1960 et 1961, ils organisent deux putschs, qui échouent, pour s’emparer du pouvoir, avec à leur tête des généraux et officiers supérieurs.

Ils créent l’organisation de l’armée secrète (OAS), qui commet des centaines d’attentats et d’assassinats, afin de mettre en échec l’approbation massive du peuple français (75%) du droit à l’autodétermination du peuple algérien.

Les tergiversations et les exigences inacceptables du gouvernement français, ne permettent pas la conclusion d’un accord avec le GPRA (Gouvernement Provisoire du Peuple Algérien), ce qui encourage les ultras de l’Algérie française et son bras armé l’OAS.

Depuis plusieurs mois, les clandestins de l'OAS (Organisation de l'Armée Secrète) multiplient les attentats contre les officiels français accusés de négocier l'abandon de l'Algérie avec le FLN.

La veille, dix attentats ont lieu à Paris visant des hommes politiques, des journalistes, des écrivains.
 

Le 7 février 1962, une charge de plastic est déposée sur un rebord de

fenêtre au domicile du ministre des Affaires culturelles, André Malraux, 19 bis, avenue Victor Hugo, à Boulogne-sur-Seine.

 

Des éclats de verre blessent cruellement une fillette de quatre ans, Delphine Renard qui est défigurée et rendue aveugle.

L'émotion est immense.


 

La manifestation du 8 février 1962


Dans l’union, des syndicats de salariés-e-s, d’étudiant-e-s et de lycéen-e-s, des organisations de jeunesse et des partis de gauche appellent à la riposte en manifestant à nouveau ce 8 février 1962.

Les organisateurs appellent "les travailleurs et tous les antifascistes de la région parisienne à proclamer leur indignation, leur volonté de faire échec au fascisme et d'imposer la paix en Algérie"

Le bref rassemblement pacifique prévu le 8 février Place de la Bastille, à l'appel du Parti Communiste, du PSU, de la CGT et d'autres syndicats comme la CFTC, la FEN et l'Unef ainsi que des organisations de gauche, est interdit par le préfet Maurice Papon, sur fond d'état d'urgence en vigueur depuis avril 1961

 
Cette manifestation rassemblera plusieurs milliers de personnes dans les rues de la capitale en général et du 11e arrondissement en particulier. Au moment de sa dispersion - qui se déroulait dans le calme - des policiers, placés sous les ordres du Préfet de Police Maurice Papon, chargèrent violemment les manifestants, notamment à l'entrée du métro Charonne.
 
Guerre d’Algérie : Une vue de la foule, vraisemblablement lors de la manifestation dite « de Charonne », rue de Charonne d’après la mention portée au dos du cliché. S. l. [Paris (75)], s.d. [8 février 1962]. Archives départementales de la Seine-Saint-Denis (83Fi/91 125)

"On défilait depuis un moment, la nuit tombait, on criait 'Paix en Algérie'. C'était revendicatif, mais sans plus. A Charonne, la tête de la manif nous a donné l'ordre de nous disperser. Et puis, ça a commencé", poursuit Mme Guichard.

"Subitement, la police avec casques et matraques a chargé" et la foule s'est engouffrée dans le métro : "Pourquoi on est entré dans ce métro ? Je ne saurai jamais. Pourquoi Anne-Claude a pris des coups ? Pourquoi pas moi ? Je ne le saurai pas non plus."

 

À l'issue de cette nuit tragique, on dénombra 9 morts dont 3 femmes et un adolescent de 16 ans.
Les victimes étaient toutes membres de la CGT, huit sur neuf des communistes – ce qui confirme avec éloquence la place des uns et des autres dans la lutte anti­fasciste, face au déchaînement et aux attentats de l’OAS, et pour l’indépendance de l’Algérie.

Six hommes, trois femmes. Le plus jeune avait 15 ans. L’un d’eux avait choisi la France quand il quitta l’Italie des Chemises noires de Mussolini.

 

 

Les obsèques des victimes, le 13 février, de la place de la République au cimetière du Père Lachaise sont grandioses, un million de personnes sont rassemblées.


 

Hommage aux neuf victimes de la répression sauvage du 8 février 1962 lors de la manifestation contre les groupes fascistes de l’OAS et la Paix en ’Algérie.

 

Ce massacre, survenant moins de quatre mois après celui des Algériens, le 17 octobre 1961, acheva de faire basculer l’opinion publique dans le refus de poursuivre la guerre.
Cruauté des dates. Le 19 mars, les accords d’Évian mettent un terme à la sale guerre d’Algérie. Quarante jours de trop.
 
Le pouvoir politique a tout fait pour minimiser ces faits. Il a fallu attendre 1982 pour qu'une plaque commémorative soit apposée à la station de métro Charonne.
 

 


 
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